Imilo Lechanceux, aujourd’hui l’une des figures emblématiques du coupé-décalé au Burkina Faso, n’a pas toujours eu la vie facile. Derrière son succès éclatant se cache une expérience amère, une humiliation subie sur scène, qui aurait pu briser bien des carrières. Pourtant, cette épreuve l’a forgé, l’a poussé à persévérer, et a finalement contribué à faire de lui la star qu’il est aujourd’hui. Retour sur le parcours atypique de cet artiste qui a su transformer l’adversité en force.
Une Humiliation Sur Scène : Le Baptême de Feu d'Imilo Lechanceux
Lorsqu’on évoque le nom d’Imilo Lechanceux, il est difficile d’imaginer que celui qui brille aujourd’hui sur les plus grandes scènes d’Afrique a un jour connu une humiliation publique. Et pourtant, c’est bien ce qui est arrivé au Palais de la Culture Bernard Dadié de Treichville, à Abidjan. Invité à assurer la première partie du concert de l’illustre Serge Beynaud, Imilo Lechanceux, encore peu connu du grand public, a vécu un cauchemar que seuls ceux qui ont foulé les planches peuvent comprendre.
"J'étais monté sur scène avec tout l’enthousiasme d’un jeune artiste prêt à se faire connaître," se souvient-il dans l'émission 'Une étoile, une histoire.' "Mais dès que j’ai voulu commencer ma prestation, les problèmes techniques ont commencé. Mon CD ne passait pas. J’ai fait plusieurs allers-retours entre la scène et la cabine technique, essayant différents supports : clé USB, carte mémoire… rien n’y faisait." Chaque tentative infructueuse était une gifle de plus pour cet artiste en herbe. Le public, impatient, ne faisait qu’accentuer son malaise. "C’était une humiliation, un vrai cauchemar," avoue-t-il.
Cette épreuve aurait pu marquer la fin de ses rêves, mais pour Imilo, elle a été un puissant catalyseur. "Je me suis rendu compte que dans ce milieu, il ne suffisait pas d’avoir du talent. Il fallait aussi se faire un nom, se faire respecter."
Avant d’être connu sous le nom d’Imilo Lechanceux, Ilboudo, son vrai nom, a commencé son parcours dans l’univers de la musique en tant que DJ. En 2005, à l’âge où d’autres jeunes poursuivent leurs études, Ilboudo a dû mettre de côté ses ambitions académiques faute de moyens financiers. DJing devenait alors une issue, une manière de subvenir à ses besoins tout en cultivant sa passion pour la musique.
Ses débuts étaient modestes, jouant dans de petits maquis et lors de petites soirées locales. Cependant, son talent et sa détermination ne passaient pas inaperçus. "C’était une époque difficile, mais elle m’a appris l’humilité et la persévérance," confie-t-il. Au fil des années, il participe à plusieurs concours de DJing, se taillant progressivement une place parmi les artistes émergents.
C’est en 2009, après avoir rejoint le groupe "Les Villageois" composé de trois autres DJs – Baby, Tabaly, et Zino – que sa carrière prend un tournant décisif. Ce groupe, né de la victoire à un concours, devient pour lui une véritable école, lui permettant d’affiner son style et de gagner en confiance.
Le Single Qui Change Tout : "Mot-de-Pass"
La véritable percée d’Imilo Lechanceux intervient lorsqu’il décide de se lancer dans l’enregistrement de son propre single. Avec des économies modestes, il loue un studio et, sous la direction de l’arrangeur ivoirien Serge Beynaud, enregistre "Mot-de-Pass." Ce titre, en apparence anodin, va bouleverser sa carrière.
Lorsqu’une partie du match de quart de finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2010 diffuse sa chanson à la mi-temps, l’effet est immédiat. Le public est conquis. "Je ne m’attendais pas à un tel engouement," admet Imilo. "C’était la première fois que je réalisais à quel point ma musique pouvait toucher les gens." Cette reconnaissance soudaine marque le début de sa carrière solo, et avec elle, l’adoption du surnom "Lechanceux," en référence à sa nouvelle destinée.
Désormais, ceux qui autrefois l’avaient ignoré ou rejeté se bousculent pour le promouvoir. Des promoteurs, des managers, des radios – tous veulent une part de l’artiste en pleine ascension. Mais Imilo, fort de ses expériences passées, reste prudent. "J’avais appris que tout peut basculer en un instant. J’étais reconnaissant, mais je savais qu’il me fallait travailler encore plus dur."
Avec le succès de "Mot-de-Pass," les portes de l’industrie musicale s’ouvrent enfin pour Imilo Lechanceux. Son style, un mélange unique de coupé-décalé et d’influences burkinabées, séduit un large public. Cette nouvelle visibilité lui permet de collaborer avec certains des plus grands noms de la musique ivoirienne et africaine, dont Floby, Dez Altino, Hawa Boussim, et bien sûr, les arrangeurs Serge Beynaud et Bebi Philip.
Ces collaborations ne sont pas simplement des opportunités professionnelles ; elles sont aussi le reflet de l’esprit d’ouverture et de l’envie d’apprendre d’Imilo. "Chaque artiste avec lequel j’ai travaillé m’a apporté quelque chose de précieux. J’ai appris à toujours écouter, à être humble dans l’art, et à ne jamais cesser d’apprendre," confie-t-il.
L’une des collaborations les plus marquantes de sa carrière reste celle avec le regretté DJ Arafat. En 2019, après le décès tragique de ce dernier, Imilo lui rend hommage lors des obsèques, un moment d’émotion intense qui marque les esprits. "Arafat était plus qu’un collègue, c’était un ami, un frère," déclare-t-il. "Son départ a laissé un vide immense, mais il nous a aussi rappelé à quel point la vie est fragile. Il m’a inspiré à travailler encore plus dur pour honorer sa mémoire."
Le Succès au Burkina Faso : Une Consécration Méritée
Aujourd’hui, Imilo Lechanceux est bien plus qu’une star de la musique au Burkina Faso ; il est devenu un symbole de résilience et de persévérance. Son parcours, marqué par des débuts modestes, des humiliations, et une détermination sans faille, inspire de nombreux jeunes artistes qui rêvent de suivre ses traces.
"Être reconnu dans mon pays, c’est la plus grande récompense," avoue-t-il avec une modestie touchante. "Mais je sais aussi que le succès n’est jamais acquis. Il faut se battre chaque jour pour rester au sommet, pour continuer à produire de la musique qui parle aux gens."
Malgré son succès, Imilo reste conscient des défis que représente l’industrie musicale en Afrique, notamment les difficultés liées à la distribution, au piratage, et à la gestion des droits d’auteur. "L’industrie évolue, mais il reste encore beaucoup à faire pour que les artistes puissent vivre de leur art de manière durable."
Conscient de l’impact qu’il peut avoir en tant que figure publique, Imilo Lechanceux ne se contente pas de briller sur scène. Il utilise également sa notoriété pour sensibiliser et encourager les jeunes. "Je veux leur montrer que rien n’est impossible, même quand tout semble contre vous," explique-t-il.
Cet engagement se manifeste par sa participation à divers projets sociaux et culturels au Burkina Faso, où il travaille avec des associations pour promouvoir l’éducation, la culture, et l’autonomisation des jeunes. "Je veux être un modèle positif, leur donner l’envie de se battre pour leurs rêves."
Imilo Lechanceux incarne ainsi non seulement l’artiste accompli, mais aussi le mentor et le leader d’opinion, conscient de sa responsabilité envers la société.
Alors qu’il continue de gravir les échelons du succès, la question se pose : que réserve l’avenir pour Imilo Lechanceux ? Avec une carrière déjà riche en réalisations, l’artiste semble avoir encore beaucoup à offrir à la scène musicale africaine.
Mais dans un univers aussi impitoyable que celui du show-business, comment Imilo parviendra-t-il à maintenir sa place au sommet ? Sa capacité à innover, à s’adapter aux nouvelles tendances, et à rester authentique sera sans doute cruciale.
Le public, de plus en plus exigeant, attend de lui qu’il continue de se réinventer, de surprendre, tout en restant fidèle à l’essence qui a fait son succès. Et à une époque où les réseaux sociaux jouent un rôle déterminant dans la carrière des artistes, Imilo Lechanceux saura-t-il tirer parti de ces nouveaux outils pour consolider sa notoriété et toucher un public encore plus large ?
En fin de compte, le parcours d’Imilo Lechanceux est un véritable témoignage de résilience. Mais la question demeure : comment cet artiste, forgé par l’adversité, continuera-t-il de naviguer dans un paysage musical en constante évolution, tout en restant fidèle à ses racines et à son public ?
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