Un jeune Ivoiro-Burkinabè, Dembélé Issa, a été condamné à tort à quatre années de prison pour un crime qu'il n'a pas commis, une histoire tragique de ressemblance et de préjugés. Âgé de 18 ans au moment de son arrestation, le jeune homme a été accusé du meurtre de D. Salimata, une commerçante de 19 ans retrouvée morte en avril 2019 à Abobo, un quartier populaire d'Abidjan. Quatre ans plus tard, la justice l'a finalement innocenté, lui permettant de recouvrer sa liberté, mais les cicatrices de cette injustice demeurent profondes.
Un témoignage contesté à l'origine de l'arrestation
L'histoire de Dembélé Issa est marquée par une terrible erreur judiciaire. En avril 2019, D. Salimata, une jeune commerçante de 19 ans, est retrouvée sans vie à Abobo. L'affaire fait grand bruit, et la police se hâte de trouver un suspect. Une voisine affirme alors avoir vu Dembélé avec la victime peu avant sa disparition, aux alentours de 19h30. C'est ce témoignage, basé uniquement sur une reconnaissance partielle à partir d'une vision de dos, qui mène à l'arrestation du jeune homme.
À l'époque, Dembélé n'a que 18 ans. Il se retrouve brusquement plongé dans l'univers carcéral, accusé d'un crime qu'il nie avec vigueur. Lors de son arrestation, il affirme qu'il était chez lui, en compagnie de ses frères et sœurs, au moment de la disparition de Salimata. Mais ces déclarations ne suffisent pas à convaincre les autorités. La justice se montre inflexible, et Dembélé est placé en détention provisoire au Pôle pénitencier d'Abidjan, où il passera quatre longues années à attendre que son procès ait lieu.
La condamnation de Dembélé Issa repose sur un seul témoignage, sans autre élément probant pour étayer les accusations. Cependant, tout au long de sa détention, l'avocat de Dembélé n'a cessé de se battre pour prouver l'innocence de son client. Il a réussi à obtenir des relevés téléphoniques de Dembélé et de la victime, montrant clairement qu'aucune communication n'avait jamais eu lieu entre eux.
De plus, aucune trace de Dembélé n'a été retrouvée sur la scène de crime. Ces éléments de preuve, qui auraient dû être considérés plus tôt dans l'enquête, ont finalement été présentés devant le tribunal d'Abidjan-Plateau en juin 2023. Après quatre années de procédures judiciaires et de luttes incessantes, la cour a déclaré la non-culpabilité de Dembélé Issa, lui rendant enfin sa liberté.
Une vie brisée, un retour difficile à la liberté
Acquitté le 14 juin 2023, Dembélé est sorti de prison avec un poids immense sur les épaules. Si la liberté retrouvée est source de soulagement, les cicatrices psychologiques de ses quatre années de détention sont loin d'être guéries. Désormais âgé de 22 ans, Dembélé n'a pas seulement perdu quatre années de sa vie, il a également perdu sa jeunesse, ses projets et sa confiance en la justice.
« J'ai été accusé à tort et j'ai perdu quatre ans de ma vie », a-t-il déclaré, visiblement ému, lors de sa sortie. L'existence qu'il connaissait à Abobo n'existe plus, et pour tourner la page, Dembélé a décidé de rejoindre son père à Ouagadougou, au Burkina Faso. La douleur de l'injustice est encore vive, et la perspective de commencer une nouvelle vie dans un environnement plus sécurisant est une priorité pour lui.
Cette affaire met en lumière les dangers des témoignages visuels non corroborés par d'autres preuves solides. La voisine qui a témoigné contre Dembélé l'a reconnu uniquement de dos, une reconnaissance à la fois hasardeuse et sujette à de nombreuses erreurs. Pourtant, la justice s'en est contentée pour accuser et emprisonner un jeune homme, sans présenter d'éléments matériels convaincants.
La précipitation de la police à trouver un coupable et les préjugés sociaux ont joué un rôle crucial dans cette erreur judiciaire. Dembélé Issa, un jeune homme issu d'un quartier populaire, fils d'un Burkinabè et d'une Ivoirienne, était un suspect idéal aux yeux de certains. Il était facile de le stigmatiser, de le considérer coupable sans preuve solide. Cette affaire rappelle à quel point les préjugés peuvent influer sur le fonctionnement de la justice, avec des conséquences dramatiques pour ceux qui en sont victimes.
L'affaire de Dembélé Issa met également en exergue les faiblesses du système judiciaire ivoirien. Le manque de diligence dans l'enquête, l'absence de considération pour les alibis présentés par l'accusé, et la lenteur des procédures judiciaires ont conduit à l'incarcération injuste d'un innocent pendant quatre longues années. Ces dysfonctionnements soulèvent des questions essentielles sur la responsabilité des acteurs judiciaires et sur la capacité du système à protéger les citoyens contre les erreurs judiciaires.
Amnesty International a publié un rapport en 2023 dans lequel elle souligne l'urgence de réformer le système judiciaire en Côte d'Ivoire. L'affaire de Dembélé n'est malheureusement pas un cas isolé. D'autres citoyens ont été victimes d'incarcérations prolongées, souvent sur la base de simples soupçons ou de preuves douteuses. Le manque de formation des forces de l'ordre sur les techniques modernes d'enquête et l'absence d'un suivi rigoureux des détenus en attente de jugement contribuent à ces injustices récurrentes.
L'impact sur la communauté et les appels à la justice réparatrice
La détention injustifiée de Dembélé Issa a suscité une vague de solidarité dans son quartier d'Abobo. La communauté locale, bien qu'initialement partagée sur la culpabilité du jeune homme, a fini par se mobiliser en sa faveur, surtout après la révélation des preuves à décharge. Des associations de droits humains se sont également saisies de l'affaire, appelant à la mise en place de mesures compensatoires pour les victimes d'erreurs judiciaires.
Certains défenseurs des droits de l'homme plaident pour une justice réparatrice afin d'aider Dembélé à se reconstruire. "Ce jeune homme a perdu quatre années de sa vie, quatre années où il aurait dû construire son avenir, étudier, travailler. L'État a le devoir de l'aider à retrouver une vie normale", a déclaré un représentant de la Ligue ivoirienne des droits de l'homme. Les appels se multiplient pour une indemnisation des victimes d'erreurs judiciaires, une pratique qui reste encore peu courante dans le système judiciaire ivoirien.
Pour Dembélé Issa, la fin de la détention n'est que le début d'un autre combat : celui de la reconstruction. Il a perdu sa jeunesse derrière les barreaux, et même si la justice lui a rendu sa liberté, il reste marqué par ces années de souffrance. Décidé à rejoindre son père à Ouagadougou, il espère y trouver un environnement plus sécurisant et se reconstruire loin du quartier où tout lui rappelle son calvaire.
Dembélé aspire à recommencer sa vie. Il souhaite suivre une formation professionnelle pour pouvoir travailler et aider sa famille. "Je veux juste une vie normale, pouvoir travailler, aider mes parents, vivre sans cette peur constante", a-t-il confié. Mais la réalité est dure : les stigmates de la prison, les préjugés et la difficile insertion professionnelle des ex-détenus sont autant de défis auxquels il devra faire face.
L'affaire Dembélé Issa est un rappel brutal des failles du système judiciaire ivoirien. Comment garantir que de telles erreurs ne se reproduisent plus ? La Côte d'Ivoire est-elle prête à engager les réformes nécessaires pour protéger les innocents et réhabiliter ceux qui ont été victimes d'injustices ?
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