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Aucun Hommage Officiel Pour Le 20E Anniversaire Du Bombardement De Bouaké - Politique - Ivoireland

Forum Ivoireland / Politique / Aucun Hommage Officiel Pour Le 20E Anniversaire Du Bombardement De Bouaké (9 Vues)

Bouaké: La Vérité Sur l'Attaque d'Une Position De l'Armée Par l'Armée Française / Grand-Bassam Accueille Les Festivités Du 64E Anniversaire De l’Indépendance / Dominique Ouattara Rend Un Hommage Touchant À Toumani Diabaté (2) (3) (4)

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RomeoIvoire RomeoIvoire le 6 novembre à 19:30

Ce mercredi 6 novembre 2024 marquait les vingt ans du bombardement tragique de Bouaké, un épisode sombre de l'histoire récente de la Côte d'Ivoire. Pourtant, malgré l'importance de cet événement pour des milliers de victimes directes et indirectes, aucun hommage officiel n'a été organisé par l'État ivoirien. Un silence qui suscite l'incompréhension, voire la colère, des familles des victimes et des témoins de cette période tumultueuse. Retour sur un drame national, ses conséquences, et les raisons d'un oubli embarrassant.

Le 6 novembre 2004 : Un jour de terreur et de confusion


Le 6 novembre 2004 restera gravé dans les mémoires comme une journée tragique marquant une escalade de violence dans le conflit ivoirien. Ce jour-là, un chasseur de l’aviation ivoirienne, sous le commandement du président Laurent Gbagbo, avait lancé une attaque sur Bouaké, alors contrôlée par les forces rebelles. L'objectif était de fragiliser les positions de ces dernières, mais c’est un camp de la force de paix française, présente en Côte d'Ivoire sous mandat de l'ONU, qui fut touché de plein fouet.

Le bombardement a coûté la vie à neuf soldats français et à un civil américain. L’armée française, en réaction, avait immédiatement riposté en détruisant la quasi-totalité de l'aviation ivoirienne. Ce geste fut perçu comme une mesure de rétorsion disproportionnée, et il provoqua un élan de colère au sein de la population ivoirienne. À Abidjan, des manifestations massives antifrançaises se sont rapidement organisées, appelées par des figures influentes telles que Charles Blé Goudé, chef des "Jeunes patriotes" loyaux à Laurent Gbagbo.

La riposte française : Une réaction controversée
Le bombardement de Bouaké a constitué un point de bascule, non seulement dans la crise politique ivoirienne, mais aussi dans les relations entre la Côte d'Ivoire et la France. La réaction immédiate de l'armée française, consistant à détruire la flotte aérienne ivoirienne, a été vivement critiquée, aussi bien en Côte d'Ivoire qu'à l'international. Pour beaucoup, la France, qui se présentait comme une force de maintien de la paix, avait choisi de prendre parti de façon directe et brutale.

À Abidjan, les manifestations de colère se sont succédé, visant les intérêts français. Des centaines de civils ivoiriens sont descendus dans les rues pour exprimer leur rejet de l'intervention française, que beaucoup considéraient comme une ingérence inacceptable dans les affaires intérieures du pays. Le bilan humain de cette vague de protestations est lourd : selon les autorités ivoiriennes de l'époque, 57 civils ont été tués et plus de 2.200 blessés par les forces françaises, alors que la France ne reconnaît qu'une vingtaine de morts.

Un collectif de victimes, le Collectif des patriotes victimes de la Licorne (Copavil), avance un bilan encore plus lourd, évoquant au moins 90 morts et plus de 2.500 blessés. Ephrem Zedo, secrétaire général du Copavil, exprime aujourd'hui sa déception quant à l'absence d'hommage officiel : "Il se devait que la nation, les institutions de la République organisent quelque chose en mémoire des personnes tombées", s’indigne-t-il, tout en annonçant son intention d’intenter un procès contre la France en 2025.

Le poids du silence de l'État ivoirien


Pour le gouvernement ivoirien, l'absence d'une cérémonie officielle en cette journée d'anniversaire n'a rien d'étonnant. "Les événements de Bouaké sont des événements tristes. Que la France organise des commémorations, je peux le comprendre, mais je ne vois pas pourquoi la Côte d'Ivoire devrait organiser la commémoration de décès de personnes françaises", a déclaré Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement ivoirien.

Cette prise de position illustre la volonté de l'État ivoirien de se distancier de cet épisode douloureux, perçu par beaucoup comme un rappel des heures sombres du post-colonialisme et des tensions persistantes entre Paris et Abidjan. Pour autant, cette posture laisse un goût amer aux familles des victimes de la riposte française, qui espéraient un geste de reconnaissance de la part des autorités. Malick Fadiga, député de Bouaké, exprime son regret face à ce manque de mémoire : "Il n’y a pas de commémoration de cette agression disproportionnée, mais chaque fois que je passe devant le bâtiment éventré, j’ai un pincement au cœur".

Des conséquences durables sur la société ivoirienne
Les événements du 6 novembre 2004 n’ont pas seulement laissé des cicatrices physiques et matérielles, ils ont également creusé des fossés profonds au sein de la société ivoirienne. La crise qui a suivi le bombardement de Bouaké a été marquée par une division accrue entre le sud loyaliste et le nord rebelle, division qui a perduré jusqu’en 2011. Pendant cette période, le pays a vécu dans une instabilité quasi permanente, émaillée de tensions intercommunautaires, d’épisodes de violence et de crises économiques.

La déchirure nationale a atteint son paroxysme lors de la crise post-électorale de 2010-2011, au cours de laquelle Laurent Gbagbo, refusant de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara, fut évincé du pouvoir par la force, avec l’appui de l’armée française. Ce nouvel affrontement a entraîné la mort de plus de 3.000 personnes et a renforcé l’image d’une France protectrice de ses intérêts en Afrique, au détriment de la souveraineté des peuples africains.

Aujourd’hui encore, les souvenirs de cette période troublée résonnent dans les esprits. Pour de nombreux Ivoiriens, le silence des autorités sur cet anniversaire est perçu comme une négation de leur souffrance. "Il est important de ne pas oublier d’où nous venons pour que les jeunes générations comprennent la valeur de la paix", souligne Malick Fadiga.

Le besoin de reconnaissance des victimes et de justice


La douleur des familles des victimes reste vive, vingt ans après. Pour elles, l’absence d’hommage officiel est une nouvelle blessure. Le Copavil milite pour que la mémoire des Ivoiriens tombés lors de ces manifestations antifrançaises soit reconnue par l’État. "Ceux qui ont mis ces enfants dans la rue pourront certainement commémorer ces événements, mais ce n’était pas la responsabilité de l’État. Le gouvernement n’a pas envoyé des gens manifester contre les forces françaises", a rappelé Amadou Coulibaly, renvoyant ainsi la responsabilité vers les acteurs de l'époque.

Pourtant, de nombreux observateurs estiment qu’une commémoration nationale aurait été l’occasion de réconcilier une partie de la population avec cette page noire de l’histoire ivoirienne. Au lieu de cela, le gouvernement préfère adopter une posture de discrétion, craignant probablement de rouvrir des plaies qui, pour beaucoup, ne se sont jamais refermées.

Commémorations en France : un souvenir toujours présent
Contrairement à la Côte d'Ivoire, la France a choisi de rendre hommage à ses soldats tombés. Une cérémonie discrète s’est tenue en octobre dernier sur le site du bombardement, en présence de plusieurs rescapés et familles des victimes françaises. Par ailleurs, ce mercredi, des représentants des familles des victimes et des responsables militaires se sont réunis au Régiment d’infanterie-chars de marine (RICM) de Poitiers, d’où étaient issus cinq des neuf soldats tués lors du bombardement.

Cette différence d’attitude dans la commémoration est représentative des relations souvent ambiguës entre la France et ses anciennes colonies. Pour Paris, les victimes de Bouaké sont des héros tombés dans l’exercice de leur mission de paix. Pour Abidjan, ce sont les victimes collatérales d’un conflit où les torts étaient partagés, et où la présence française restait, pour beaucoup, un vestige d’une domination passée.

Le bombardement de Bouaké et ses conséquences soulèvent de nombreuses questions sur la gestion des conflits et la responsabilité des forces internationales dans les crises locales. Pour les familles des victimes, l'oubli officiel de cet événement représente une injustice qui s'ajoute à la douleur de la perte de leurs proches.

Vingt ans après, la Côte d’Ivoire semble vouloir tourner la page de cette crise qui a divisé le pays en deux pendant près de dix ans. Mais comment construire une véritable réconciliation nationale si l'on refuse de regarder en face les épisodes les plus sombres de son histoire ? Les jeunes générations, qui n’ont pas vécu ces événements, doivent-elles être privées de cette mémoire pour mieux avancer, ou au contraire, être informées pour éviter de répéter les erreurs du passé ?

La question reste ouverte : la Côte d’Ivoire saura-t-elle un jour réconcilier sa mémoire avec son passé douloureux, et construire une unité nationale qui ne laisse personne de côté ?

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Image de Politique. Ce mercredi 6 novembre 2024 marquait les vingt ans du bombardement tragique de Bouaké, un épisode sombre de l'histoire récente de la Côte d'Ivoire. Pourtant, malgré l'importance de cet événement pour des milliers de victimes directes et indirectes, aucun hommage officiel n'a été organisé par l'État ivoirien. Un silence qui suscite l'incompréhension, voire la colère, des familles des victimes et des témoins de cette période tumultueuse. Retour sur un drame national, ses conséquences, et les raisons d'un oubli embarrassant. Le 6 novembre 2004 : Un jour de terreur et de confusion Le 6 novembre 2004 restera gravé dans les mémoires comme une journée tragique marquant une escalade de violence dans le conflit ivoirien. Ce jour-là, un chasseur de l’aviation ivoirienne, sous le commandement du président Laurent Gbagbo, avait lancé une attaque sur Bouaké, alors contrôlée par les forces rebelles. L'objectif était de fragiliser les positions de ces dernières, mais c’est un camp de la force de paix française, présente en Côte d'Ivoire sous mandat de l'ONU, qui fut touché de plein fouet. Le bombardement a coûté la vie à neuf soldats français et à un civil américain. L’armée française, en réaction, avait immédiatement riposté en détruisant la quasi-totalité de l'aviation ivoirienne. Ce geste fut perçu comme une mesure de rétorsion disproportionnée, et il provoqua un élan de colère au sein de la population ivoirienne. À Abidjan, des manifestations massives antifrançaises se sont rapidement organisées, appelées par des figures influentes telles que Charles Blé Goudé, chef des "Jeunes patriotes" loyaux à Laurent Gbagbo. La riposte française : Une réaction controversée Le bombardement de Bouaké a constitué un point de bascule, non seulement dans la crise politique ivoirienne, mais aussi dans les relations entre la Côte d'Ivoire et la France. La réaction immédiate de l'armée française, consistant à détruire la flotte aérienne ivoirienne, a été vivement critiquée, aussi bien en Côte d'Ivoire qu'à l'international. Pour beaucoup, la France, qui se présentait comme une force de maintien de la paix, avait choisi de prendre parti de façon directe et brutale. À Abidjan, les manifestations de colère se sont succédé, visant les intérêts français. Des centaines de civils ivoiriens sont descendus dans les rues pour exprimer leur rejet de l'intervention française, que beaucoup considéraient comme une ingérence inacceptable dans les affaires intérieures du pays. Le bilan humain de cette vague de protestations est lourd : selon les autorités ivoiriennes de l'époque, 57 civils ont été tués et plus de 2.200 blessés par les forces françaises, alors que la France ne reconnaît qu'une vingtaine de morts. Un collectif de victimes, le Collectif des patriotes victimes de la Licorne (Copavil), avance un bilan encore plus lourd, évoquant au moins 90 morts et plus de 2.500 blessés. Ephrem Zedo, secrétaire général du Copavil, exprime aujourd'hui sa déception quant à l'absence d'hommage officiel : "Il se devait que la nation, les institutions de la République organisent quelque chose en mémoire des personnes tombées", s’indigne-t-il, tout en annonçant son intention d’intenter un procès contre la France en 2025. Le poids du silence de l'État ivoirien Pour le gouvernement ivoirien, l'absence d'une cérémonie officielle en cette journée d'anniversaire n'a rien d'étonnant. "Les événements de Bouaké sont des événements tristes. Que la France organise des commémorations, je peux le comprendre, mais je ne vois pas pourquoi la Côte d'Ivoire devrait organiser la commémoration de décès de personnes françaises", a déclaré Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement ivoirien. Cette prise de position illustre la volonté de l'État ivoirien de se distancier de cet épisode douloureux, perçu par beaucoup comme un rappel des heures sombres du post-colonialisme et des tensions persistantes entre Paris et Abidjan. Pour autant, cette posture laisse un goût amer aux familles des victimes de la riposte française, qui espéraient un geste de reconnaissance de la part des autorités. Malick Fadiga, député de Bouaké, exprime son regret face à ce manque de mémoire : "Il n’y a pas de commémoration de cette agression disproportionnée, mais chaque fois que je passe devant le bâtiment éventré, j’ai un pincement au cœur". Des conséquences durables sur la société ivoirienne Les événements du 6 novembre 2004 n’ont pas seulement laissé des cicatrices physiques et matérielles, ils ont également creusé des fossés profonds au sein de la société ivoirienne. La crise qui a suivi le bombardement de Bouaké a été marquée par une division accrue entre le sud loyaliste et le nord rebelle, division qui a perduré jusqu’en 2011. Pendant cette période, le pays a vécu dans une instabilité quasi permanente, émaillée de tensions intercommunautaires, d’épisodes de violence et de crises économiques. La déchirure nationale a atteint son paroxysme lors de la crise post-électorale de 2010-2011, au cours de laquelle Laurent Gbagbo, refusant de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara, fut évincé du pouvoir par la force, avec l’appui de l’armée française. Ce nouvel affrontement a entraîné la mort de plus de 3.000 personnes et a renforcé l’image d’une France protectrice de ses intérêts en Afrique, au détriment de la souveraineté des peuples africains. Aujourd’hui encore, les souvenirs de cette période troublée résonnent dans les esprits. Pour de nombreux Ivoiriens, le silence des autorités sur cet anniversaire est perçu comme une négation de leur souffrance. "Il est important de ne pas oublier d’où nous venons pour que les jeunes générations comprennent la valeur de la paix", souligne Malick Fadiga. Le besoin de reconnaissance des victimes et de justice La douleur des familles des victimes reste vive, vingt ans après. Pour elles, l’absence d’hommage officiel est une nouvelle blessure. Le Copavil milite pour que la mémoire des Ivoiriens tombés lors de ces manifestations antifrançaises soit reconnue par l’État. "Ceux qui ont mis ces enfants dans la rue pourront certainement commémorer ces événements, mais ce n’était pas la responsabilité de l’État. Le gouvernement n’a pas envoyé des gens manifester contre les forces françaises", a rappelé Amadou Coulibaly, renvoyant ainsi la responsabilité vers les acteurs de l'époque. Pourtant, de nombreux observateurs estiment qu’une commémoration nationale aurait été l’occasion de réconcilier une partie de la population avec cette page noire de l’histoire ivoirienne. Au lieu de cela, le gouvernement préfère adopter une posture de discrétion, craignant probablement de rouvrir des plaies qui, pour beaucoup, ne se sont jamais refermées. Commémorations en France : un souvenir toujours présent Contrairement à la Côte d'Ivoire, la France a choisi de rendre hommage à ses soldats tombés. Une cérémonie discrète s’est tenue en octobre dernier sur le site du bombardement, en présence de plusieurs rescapés et familles des victimes françaises. Par ailleurs, ce mercredi, des représentants des familles des victimes et des responsables militaires se sont réunis au Régiment d’infanterie-chars de marine (RICM) de Poitiers, d’où étaient issus cinq des neuf soldats tués lors du bombardement. Cette différence d’attitude dans la commémoration est représentative des relations souvent ambiguës entre la France et ses anciennes colonies. Pour Paris, les victimes de Bouaké sont des héros tombés dans l’exercice de leur mission de paix. Pour Abidjan, ce sont les victimes collatérales d’un conflit où les torts étaient partagés, et où la présence française restait, pour beaucoup, un vestige d’une domination passée. Le bombardement de Bouaké et ses conséquences soulèvent de nombreuses questions sur la gestion des conflits et la responsabilité des forces internationales dans les crises locales. Pour les familles des victimes, l'oubli officiel de cet événement représente une injustice qui s'ajoute à la douleur de la perte de leurs proches. Vingt ans après, la Côte d’Ivoire semble vouloir tourner la page de cette crise qui a divisé le pays en deux pendant près de dix ans. Mais comment construire une véritable réconciliation nationale si l'on refuse de regarder en face les épisodes les plus sombres de son histoire ? Les jeunes générations, qui n’ont pas vécu ces événements, doivent-elles être privées de cette mémoire pour mieux avancer, ou au contraire, être informées pour éviter de répéter les erreurs du passé ? La question reste ouverte : la Côte d’Ivoire saura-t-elle un jour réconcilier sa mémoire avec son passé douloureux, et construire une unité nationale qui ne laisse personne de côté ?

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Tidjane Thiam Rencontre Camille Alliali: Un Hommage À L'Histoire Du PDCI-RDA / Depuis Bouaké, Koné Mamadou (Uj-RHDP) Critique l'Opposition / Henri Konan Bédié: La Côte d'Ivoire a Rendu Hommage À "Un Grand Homme d'État

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