20 Ans Après, Gnassingbé Est-Il Le Doyen Des Présidents En Afrique De l'Ouest? - Affaires Etrangères - Ivoireland

Le 5 février 2005 marquait un tournant dans l’histoire politique du Togo. Ce jour-là, le décès du président Étienne Gnassingbé, en plein vol vers l’étranger pour des soins médicaux, ouvrait une période de transition incertaine. Vingt ans plus tard, son fils, Faure Gnassingbé, s’apprête à boucler deux décennies à la tête du pays. Un règne marqué par une longévité politique exceptionnelle, mais aussi par des critiques acerbes sur sa gestion et des appels croissants à une alternance démocratique. Alors que son quatrième mandat touche à sa fin, quel bilan peut-on tirer de ces 20 années de pouvoir, et quel avenir se dessine pour le Togo ?

2005 : Une Succession Contestée et un Début de Règne Tumultueux

Le décès d’Étienne Gnassingbé, le 5 février 2005, a plongé le Togo dans une crise politique inédite. Alors que la Constitution prévoyait une transition assurée par le président de l’Assemblée nationale, Fambaré Natchaba, ce dernier se trouvait hors du pays au moment des faits. Dans une manœuvre controversée, son vol a été détourné vers le Bénin, les frontières togolaises ayant été fermées. Dans la foulée, l’armée a annoncé que Faure Gnassingbé prenait les rênes du pouvoir pour assurer la « continuité de l’État ».

Cette décision a suscité une vague de protestations tant au niveau national qu’international. Sous pression, Faure Gnassingbé a finalement démissionné et s’est présenté à l’élection présidentielle d’avril 2005. Une élection qu’il a remportée, mais dans un climat de violences et de contestations. Selon les Nations Unies, entre 400 et 500 personnes ont perdu la vie lors des troubles post-électoraux, marquant un début de règne tumultueux pour le nouveau président.

Un Bilan en Demi-Teinte : Développement, Pauvreté et Répression

Le bilan de Faure Gnassingbé 20 ans plus tard au pouvoir au Togo est loin de faire l’unanimité. Si son pouvoir s’est consolidé au fil des années, les critiques à l’encontre de sa gestion sont nombreuses et virulentes. La Coalition de la Diaspora Togolaise pour l’Alternance et la Démocratie (CODITOGO) a récemment publié une lettre ouverte dans laquelle elle qualifie son règne d’« échec total ». L’organisation dénonce un « manque cruel de vision » et pointe du doigt l’inefficacité des plans de développement successifs, tels que « Les 20 plus de Faure », le Plan National de Développement (PND) ou encore l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés).

Pour CODITOGO, ces programmes n’ont eu aucun impact tangible sur la vie des Togolais. Au contraire, la coalition affirme que la pauvreté s’est accrue, que la corruption s’est généralisée et que la répression politique s’est intensifiée. « En lieu et place des promesses contenues dans ces programmes, la pauvreté s’est accrue, la violence d’État s’est installée, et nos concitoyens sont contraints à l’exil à cause de leurs opinions », déplore-t-elle.

Les critiques portent également sur la gestion des ressources nationales. CODITOGO accuse une « minorité » de s’enrichir au détriment de la majorité, dénonçant un « pillage systématique » des richesses du pays. Les incendies répétés des marchés, les arrestations arbitraires et les divisions sociales exacerbées sont autant de maux qui, selon l’organisation, illustrent les échecs du régime.

L’Avenir Politique du Togo : Vers une Alternance Démocratique ?

Alors que le quatrième mandat de Faure Gnassingbé s’achèvera en mai 2025, les interrogations sur l’avenir politique du Togo se multiplient. CODITOGO exhorte le chef de l’État à tirer les leçons de son passif et à ouvrir la voie à une alternance démocratique. « Le Togo mérite mieux que ça », affirme-t-elle avec fermeté, appelant à un changement radical pour sortir le pays de l’impasse politique et économique.

Cependant, la perspective d’une alternance semble incertaine. Faure Gnassingbé, malgré les critiques, conserve un certain soutien au sein de la population et de l’appareil d’État. Son parti, l’Union pour la République (UNIR), domine la scène politique togolaise, et les oppositions peinent à se structurer pour proposer une alternative crédible. Par ailleurs, les réformes constitutionnelles adoptées en 2019, qui ont permis à Faure Gnassingbé de briguer deux nouveaux mandats, soulèvent des questions sur sa volonté de quitter le pouvoir.

Dans ce contexte, la société civile et les organisations internationales jouent un rôle crucial pour pousser à une transition démocratique pacifique. Les élections à venir seront un test décisif pour le Togo, qui devra choisir entre la continuité et le changement.

Vingt ans après son accession au pouvoir, Faure Gnassingbé reste une figure centrale de la politique togolaise. Son règne, marqué par une stabilité relative mais aussi par des critiques persistantes, laisse un héritage contrasté. Alors que certains saluent ses efforts pour moderniser le pays et maintenir la paix, d’autres dénoncent une gestion opaque et autoritaire.

À l’approche de la fin de son quatrième mandat, une question cruciale se pose : Faure Gnassingbé choisira-t-il de passer le flambeau, ouvrant ainsi une nouvelle page de l’histoire du Togo, ou préférera-t-il prolonger son règne, au risque d’exacerber les tensions politiques et sociales ? L’avenir du Togo dépendra en grande partie de cette décision, qui pourrait sceller le destin d’une nation en quête de démocratie et de prospérité.