La CEI Interpellée À Propos Des 30 % Des Électeurs Exclus Du Processus Électoral - Politique - Ivoireland

À neuf mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, une partie significative de la population demeure exclue du processus électoral. Selon Alpha Diallo, président de l’Alliance Démocratique Africaine-Côte d’Ivoire (ADA-CI), près de 3,6 millions de citoyens en âge de voter ne figurent pas sur les listes électorales, représentant ainsi environ 30 % de l’électorat potentiel. Une situation qui alimente les tensions politiques et pose des questions sur la transparence du scrutin à venir.

Un processus de recensement jugé insuffisant

La Commission électorale indépendante (CEI) a mené une campagne de révision du fichier électoral entre le 19 octobre et le 17 novembre 2024. L’objectif affiché était d’intégrer 4,5 millions de nouveaux électeurs. Toutefois, selon les chiffres officiels publiés le 21 novembre, seuls 943 157 citoyens ont pu s’inscrire, un chiffre largement en deçà des attentes. Cette faible mobilisation s’explique par plusieurs facteurs, notamment la durée limitée du processus et les obstacles administratifs rencontrés par de nombreux citoyens.

Pour Alpha Diallo, cette situation constitue une atteinte aux principes démocratiques fondamentaux : « Après une phase de recensement limitée à seulement quatre semaines, nous ne pouvons que constater et déplorer que plus de 30 % des Ivoiriens en âge de voter sont toujours exclus du processus électoral et privés de leur droit de vote. Comment se satisfaire, comme le fait la CEI, d’un tel résultat alors que, dans quelques mois, la population ivoirienne sera appelée à élire son prochain président de la République ? »

La question de l’accessibilité aux bureaux d’inscription est également pointée du doigt par les organisations de la société civile, qui dénoncent un manque de moyens logistiques et un défaut de communication ayant découragé de nombreux électeurs potentiels.

Une bataille politique autour de la révision du fichier électoral

Au-delà des préoccupations sur l’exclusion d’une large frange de la population, la mise à jour du fichier électoral est devenue un enjeu majeur de confrontation entre l’opposition et le pouvoir. L’ADA-CI et d’autres partis d’opposition estiment qu’un nouveau recensement électoral est indispensable avant le scrutin de 2025, afin d’assurer une élection inclusive et équitable.

De son côté, la CEI, soutenue par le parti au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), s’oppose à toute nouvelle révision du fichier avant la présidentielle. Son président, Coulibaly Kuibiert, argue que « des contraintes de calendrier et de ressources financières ne permettent pas une réouverture du processus avant le scrutin de 2025 ». Il privilégie plutôt une mise à jour post-électorale, une position qui alimente la suspicion de l’opposition, inquiète quant à la crédibilité du vote à venir.

Ce désaccord exacerbe le climat politique déjà tendu en Côte d’Ivoire. L’opposition craint que l’exclusion d’un nombre aussi important d’électeurs ne compromette la légitimité du prochain président élu. « Dans ces conditions, comment ne pas craindre que la crédibilité de la prochaine élection soit remise en cause et que 2025 ne se termine sous de mauvais auspices ? », s’interroge l’ADA-CI.

Un budget conséquent pour des résultats mitigés

Pourtant, la CEI dispose d’un budget conséquent pour organiser les élections et réviser la liste électorale. En 2025, plus de 27,5 milliards de FCFA ont été alloués à cette mission. Les chiffres montrent une progression constante du nombre d’inscrits au fil des années :

- En 2000, la liste électorale comptait 5,4 millions d’électeurs.
- En 2020, ce nombre a atteint 7,4 millions.
- Entre 2023 et 2024, 1,6 million de nouveaux électeurs ont été enregistrés.

Une nouvelle révision du fichier en 2025 pourrait permettre d’ajouter jusqu’à 2,5 millions d’électeurs supplémentaires depuis la présidentielle de 2020. Néanmoins, l’enjeu reste de taille : alors que le gouvernement met en avant les efforts réalisés, l’opposition et la société civile estiment que l’ampleur du défi n’a pas été suffisamment prise en compte. L’absence d’un consensus clair entre les parties prenantes sur la mise à jour du fichier électoral pourrait fragiliser la confiance des citoyens envers le processus démocratique.

Alors que l’élection présidentielle approche à grands pas, les autorités ivoiriennes parviendront-elles à instaurer un climat de confiance et de transparence qui garantira une élection inclusive et apaisée ?