L’horreur a pris le pas sur la justice mardi 14 avril lorsque le chef d’un gang d’Attécoubé, une commune d’Abidjan, a été sauvagement lynché et démembré par une foule qui lui reprochait d’être à l’origine de nombreuses exactions depuis plusieurs années. Témoignages d’habitants désemparés par cette ultra-violence.
Zama, de son vrai nom Mamadou Traoré, faisait trembler Attécoubé. Le jeune homme de 25 ans originaire de Boribana, un sous-quartier très pauvre de la commune, était le chef du gang le plus craint d’Abidjan, et recrutait ses membres parmi les jeunes désœuvrés, le plus souvent âgés de 10 à 25 ans. Son groupe, "Microbes", s’adonnait notamment à des rackets d’objets de valeur sur la voie publique, parfois très violents, à l’aide de machettes.
Zama, à qui les habitants d’Attécoubé ont prêté des pouvoirs mystiques lui permettant d’échapper à la police, était suspecté d’être à l’origine de plusieurs assassinats dans la commune. À 25 ans, le chef était soupçonné d’avoir combattu durant la crise post-électorale entre 2010 et 2011 aux côtés des forces loyales à Alassane Ouattara, l’actuel président. Des organisations de défense des droits de l’Homme ivoiriennes ont régulièrement accusé des ex-FRCI de protéger le jeune Zama sans que cela ne soit officiellement établi.
"C’était une scène d’hystérie collective effroyable"
Le chef de gang a été interpellé mardi 14 avril, dans un quartier de la commune de Yopougon, dans des circonstances qui restent floues. Certains médias affirment qu’il a été arrêté par la police criminelle, d’autres par des comités de vigilance locaux.
Sur les images, Zama est traîné à un carrefour de la commune d’Attécoubé où il est exposé à la foule. Il est alors menotté mais aucun policier en uniforme n’apparaît sur les images.
Zouar (pseudonyme), un habitant d’Attécoubé, a assisté à la scène.
Les avis étaient partagés : beaucoup d’habitants voulaient en finir immédiatement avec Zama, d’autres voulaient attendre l’arrivée de la police pour qu’il soit jugé. Certains ont commencé à le piquer avec un couteau et à lui lancer des pierres. D’un coup, le chef de gang a réussi à s’échapper, à sauter par-dessus la remorque d’un camion, et à se faufiler dans un caniveau.
Il s’est blessé en tombant, et ses poursuivants ont réussi à le sortir de là pour le lyncher de plus belle. C’est là qu’il a été égorgé et démembré. Ses assassins ont ensuite paradé dans les rues d’Attécoubé en chantant "Zama, c’est fini !" C’était une scène d’hystérie collective effroyable. Puis les restes de son corps ont été rassemblés et brûlés dans un bûcher avant que la police ne puisse les récupérer.
122 "Microbes" arrêtés en aout dernier
À l’été 2014, le gouvernement ivoirien a pris le problème des "Microbes" à bras-le-corps en mettant sur pied une brigade policière spécifique pour lutter contre le phénomène dans plusieurs communes dont Abobo, Attécoubé et Adjamé.
En août, la police avait annoncé avoir arrêté 122 personnes, participant à ces gangs, et a condamné plusieurs de ses chefs à 20 ans de prison. Une section spéciale pour la réinsertion des "Microbes" a également été créée dans un centre pour enfants à Dabou, à 50 kilomètres d’Abidjan.
"Zama n’était plus en mesure de nuire comme auparavant"
À Attécoubé, ces mesures faisaient leur effet. Shaku (pseudonyme) habite dans cette commune.
Depuis ces mesures, on n’entendait pratiquement plus parler de Zama et le nombre d’attaques armées avaient sensiblement diminué. On se sentait pour la première fois depuis longtemps davantage en sécurité. Ce chef de gang n’était plus en mesure de nuire comme ça avait été le cas par le passé. Je ne crois pas que lui ôter la vie change grand-chose à la situation ou permettra d’améliorer notre sécurité.
Ceux qui l’ont tué pensent qu’ils envoient un message à tous ceux qui voudraient continuer à s’adonner à ce genre d’activité. Je crains plutôt que d’autres groupes proches de Zama s’adonnent à des représailles. [Le lendemain, mercredi 15 avril, des groupes présumés de "Microbes" ont été signalés en train de mener des actions aux Deux Plateaux après la mort de Zama, NDLR.]
Le ministère de l’Intérieur n’a pour l’instant pas donné suite à nos questions sur les circonstances de la mort du chef de gang et notamment sur l’éventuelle poursuite en justice des responsables. Nous publierons ses réponses lorsque celles-ci nous parviendrons.
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