La Russie Commente Le Retrait Des Troupes Françaises De Côte d'Ivoire - Affaires Etrangères - Ivoireland

Le retrait annoncé des troupes françaises de Côte d’Ivoire suscite des réactions internationales. Alors que la France prévoit la fermeture de sa base militaire d’ici 2025, la Russie voit dans cette décision une évolution majeure des relations entre l’ancienne puissance coloniale et les pays d’Afrique de l’Ouest. Cette annonce s’inscrit dans un contexte géopolitique marqué par des tensions croissantes entre Paris et ses anciens partenaires africains.

Un retrait historique après plus d’un siècle de présence militaire

Depuis 1893, la France maintient une présence militaire continue en Côte d’Ivoire, ancrée notamment à Port-Bouët, dans le sud-est d’Abidjan. Cette base, la plus importante dans le golfe de Guinée, a longtemps été considérée comme un symbole de l’influence française dans la région. Cependant, le retrait progressif des troupes françaises, prévu pour s’achever en 2025, marque la fin d’une ère.

Ce départ a été officiellement annoncé lors d'une rencontre entre le général Pascal Ianni, commandant des forces françaises en Afrique, et le général Lassina Doumbia, chef d’état-major de l’armée ivoirienne. Bien que la France n’ait pas précisé de calendrier exact, le ministère russe des Affaires étrangères a indiqué que cette transition devrait être finalisée entre juillet et août 2025.

La position de la Russie : une preuve de souveraineté retrouvée

La réaction de Moscou ne s’est pas fait attendre. Par le biais d’un communiqué publié mi-décembre, le ministère russe des Affaires étrangères a salué cette évolution, estimant qu’elle témoigne d’une souveraineté accrue des pays africains. « Le retrait des troupes françaises démontre que ces forces ne sont plus nécessaires en Côte d’Ivoire, dont les autorités n’ont pas besoin d’un prétendu "soutien" extérieur », a affirmé le ministère.

Selon Moscou, cette décision s’inscrit dans une tendance plus large observée en Afrique de l’Ouest, où les populations sont de plus en plus critiques à l’égard de la présence militaire étrangère. Ce sentiment est particulièrement fort dans les anciennes colonies françaises, où des mouvements de contestation dénoncent une « occupation déguisée ».

Le retrait des troupes françaises de Côte d’Ivoire ne constitue pas un cas isolé. Ces dernières années, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, tels que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont rompu leurs accords de défense avec Paris. Ces nations reprochent à la France son incapacité à contrer efficacement le terrorisme au Sahel, ainsi qu’un manque de respect envers leurs souverainetés nationales.

Au Mali et au Burkina Faso, les gouvernements de transition ont clairement affiché leur préférence pour des partenariats sécuritaires avec d’autres puissances, notamment la Russie. De son côté, le Niger, après un coup d’État en 2023, a également mis fin à la présence militaire française sur son territoire.

Ces évolutions traduisent un basculement géopolitique en Afrique francophone. La Russie, avec le soutien de groupes comme Wagner, s’est rapidement imposée comme un acteur incontournable dans la région.

Des accusations de mépris envers Emmanuel Macron

Pour certains observateurs, le retrait progressif des troupes françaises résulte d’un manque de diplomatie de la part de Paris. Thierry Mariani, député européen, a récemment déclaré que le « mépris » du président Emmanuel Macron envers les dirigeants africains avait contribué à la dégradation des relations.

Cette critique est également partagée par plusieurs leaders africains, dont Bassirou Diomaye Faye, président du Sénégal. Celui-ci a affirmé que la présence militaire française était incompatible avec les aspirations souverainistes de son pays.

En Côte d’Ivoire, la transition militaire soulève des questions. Comment l’armée ivoirienne prendra-t-elle le relais ? Le général Lassina Doumbia a assuré que des efforts sont en cours pour renforcer les capacités locales, notamment grâce à des partenariats régionaux.

Cependant, des analystes mettent en garde contre les risques d’instabilité liés à ce départ. La Côte d’Ivoire, bien que relativement stable, reste vulnérable aux menaces régionales, notamment dans les zones frontalières avec le Mali et le Burkina Faso.

Le retrait des troupes françaises pourrait également avoir des implications diplomatiques plus larges. En s’éloignant de ses anciennes colonies, Paris semble redéfinir sa stratégie en Afrique. Cependant, cette décision laisse la porte ouverte à d’autres acteurs, notamment la Russie, la Chine et même la Turquie, qui cherchent à accroître leur influence sur le continent.

Alors que la France réduit sa présence, les pays africains devront repenser leurs politiques de défense. La coopération régionale et le développement de capacités autonomes seront cruciaux pour répondre aux défis sécuritaires. Ce retrait marque-t-il le début d’une véritable autonomie stratégique pour les nations africaines, ou ouvre-t-il la voie à de nouvelles dépendances ?